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Wann-Chlore - Vouvray
L'ŒUVRE DE BALZAC ET LA TOURAINE
Œuvres de jeunesse
Wann-Chlore est une des œuvres de jeunesse de Balzac. En gestation depuis 1822 probablement, le roman est publié anonymement en 1825. Il s'agit du dernier roman de jeunesse de Balzac avant qu'il ne se lance dans les affaires. Il sera remanié et republié en 1836 sous le titre de Jane la pâle et sous le pseudonyme Horace de Saint-Aubin.
Selon Thierry Bodin certains éléments préfigurent La Comédie humaine et certains romans comme Le Lys dans la vallée (longue confession et lettre-réponse). Balzac aurait mis beaucoup de lui-même dans Wann-Chlore et notamment dans le personnage d’Horace Landon, amoureux passionné tel Honoré de Balzac avec Mme de Berny.[1] Une histoire d’amour, donc, mais contrariée, qui se déroule entre 1814 et 1816.
Si l’Oise est le support géographique au début de l’histoire, la Touraine est très présente dans le 4è volume.
Ce jour-là Horace et Wann-Chlore allèrent se promener sur le bord de la Loire ; ils voyaient à l'autre rive cette chaîne de rochers, de vallons, de vignobles si pittoresques, et, assis sur l'herbe, ils respiraient la fraîcheur des eaux, en admirant cette nature si belle et si variée: le silence régnait entre eux. Wann-Chlore avait remarqué (échappe-t-il quelque chose à l'œil d'une femme qui aime !) l'espèce de mélancolie qui se mêlait aux actions, aux gestes, aux paroles, aux regards d'Horace, et, elle aussi ! était devenue rêveuse, quand ce n'aurait été que pour se conformer, aux secrètes pensées de son bien-aimé, ou pour chercher la cause de cette douce teinte de tristesse qui voilait leur amour, comme souvent au milieu d'un jour d'été le soleil s'enveloppe de nuages.
Le ciel était pur, les ombres du soir tombaient en laissant encore apercevoir les costumes des paysannes qui regagnaient en chantant leurs demeures creusées par étage dans les rochers. On voyait s'élever la fumée, des cheminées de niveau avec les pampres ; de loin, des voiles blanches apparaissaient sur le lac limpide que forme la Loire en cet endroit ; les chants monotones des paysannes jetaient une teinte de mélancolie dans ce tableau ; il était délicieux, et Wann-Chlore avait pressé la main de Landon pour lui, faire partager son admiration. Ce sentiment faisait bien battre son coeur, il est vrai, mais elle était, aussi sous l'empire d'un; autre démon. En effets Wann-Chlore avait fait asseoir son bien-aimé pour l'entretenir, à la face de la nature, d'une chose si solennelle pour, elle, qu'elle en aurait été étouffée dans un salon ; pour en parler, il lui fallait nager dans l'air. En ce moment, ils étaient assis sur un promontoire, presqu'aérien ; les arbres même ne leur montraient que le sommet de leur feuillage agité par la brise, et leur vue planait sur cette scène magique. A chaque minute Chlora se disait : « parlerai-je ? ne parlerai-je pas ?.. «Elle regardait Landon, il lui souriait et la parole expirait sur les lèvres de Chlora. Un bateau passait-il : « Quand il aura atteint cette île verte, se disait Wann-Chlore, je parlerai. » Le bateau était bien loin de l'île et Chlore muette ne pouvait que presser la main de Lardon en s'écriant : « la belle soirée !..
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Un soir il revenait à Tours en guidant Wann-Chlore à travers les sentiers qui couronnent les rochers de Vouvray, de Rochecorbon et de Saint-Symphorien : ils avaient joui de l'éclat de ces belles journées d'automne où la nature semble se parer une dernière fois avant de s'envelopper de ses vêtements de deuil. Ces rochers éclairés le soir par les derniers rayons du soleil, qui répand à cette époque une lueur si rougeâtre, la pureté des eaux du fleuve, l'aspect des plaines qui séparent la Loire du Cher, tout rappelait à Wann-Chlore l’Écosse, habitée par elle avant de venir en France et à un âge qui ne laisse que des souvenirs confus.
Elle s’arrêta sur la crête du roc, contempla longtemps ce paysage et dit à Landon avec attendrissement : « Il y a un site semblable en écosse… Qu’il est beau dans mon souvenir ! Il me semble revoir là-bas l’endroit où je jouais dans mon enfance, mais ce pays est plus doux à voir… c’est le tien. »
Ce texte, un peu modifié, est republié en 1836 sous le titre de Jane la pâle, dans un ensemble reprenant plusieurs œuvres de jeunesse, ce qui fait écrire à Balzac « On est arrivé jusqu'à 6000 fr. offerts pour la réimpression de mes 1ères ordures littéraires » (H. de Balzac, l. à sa mère, 1835, p.746).
Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)
[1] Thierry Bodin, préface, dans H. de Balzac, Wann-Chlore, ed. Mémoire du livre
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