Vous êtes ici
La pension Le Guay - Tours
HONORÉ DE BALZAC EN TOURAINE
Moi, chétif et malingre...
En avril 1804, Honoré devient externe à la pension Le Guay, située au 71 rue de la Scellerie (actuel n°57), non loin de la demeure familiale. Il y reste jusqu’en 1807, puis il est envoyé au collège de Vendôme. Dans son roman Le Lys dans la vallée, on peut considérer que l’écrivain crée un parallèle entre les étapes de sa propre scolarité et celles de son personnage principal, Félix de Vandenesse : Moi, chétif et malingre, à cinq ans je fus envoyé comme externe dans une pension de la ville, conduit le matin et ramené le soir par le valet de chambre de mon père. […] Dès que je sus écrire et lire, ma mère me fit exporter à Pont-le-Voy, collège dirigé par des Oratoriens qui recevaient les enfants de mon âge [1].
Juana l’Espagnole
En 1847, alors que Balzac reçoit chez lui un Espagnol, Emmanuel Marliani (1799-1873), ancien consul d’Espagne à Paris et auteur de divers ouvrages sur l’histoire politique de l’Espagne moderne, Balzac se souvient avoir été amoureux d’une petite Espagnole, à Tours, dans son enfance : Marliani, l’ami d’Espartero [2], l’ancien consul d’Espagne [3] à Paris et le frère de cette petite Juana qui a été pour moi une si vive passion à Tours quand j’avais 6 ans, est venu à passer, et nous avons causé de sa femme et de Mme Sand [4]. Qui était cette petite Espagnole ? Emmanuel Marliani n’a pas passé son enfance en Touraine et n’avait a priori pas de sœur dénommée Juana. Au contact de Marliani, Balzac se remémore les réfugiés espagnols en résidence à Tours lorsqu’il était enfant [5]. En évoquant sa « vive passion » d’alors pour une petite Espagnole, peut-être la nomme-t-il « Juana » en référence à l’un de ses personnages, Juana de Mancini [6] qui apparaît principalement dans la nouvelle Les Marana ; peut-être faut-il simplement considérer ici le prénom « Juana » comme une métonymie de l’Espagnole et de la passion amoureuse [7]. Balzac évoque un amour d’enfance, mais rien ne nous permet d’attester que « Juana » soit le véritable prénom de cette fillette.
Christelle Bréion (musée Balzac, Saché)
[1] Pl., t. IX, p. 973-974.
[2] Baldomero Espartero (1792-1879), chef de l’insurrection de 1840, régent d’Espagne pour Isabelle II, de 1841 à 1843.
[3] Emmanuel Marliani est alors sur le point de se séparer de sa femme Charlotte, amie intime de George Sand, qui partageait avec la romancière un logement situé square d’Orléans depuis 1842.
[4] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Paris, lundi 28 juin 1847, LHB, II, p.602.
[5] Ces réfugiés deviennent prisonniers « sur parole » de Napoléon, de 1808 à 1814. Cf. Madeleine Fargeaud et Roger Pierrot, "Henry le trop aimé", AB 1961, p.30
[6] Quelle singulière et mordante puissance est celle qui perpétuellement jette au fou un ange, à l'homme d'amour sincère et poétique une femme mauvaise, au petit la grande, à ce magot une belle et sublime créature ; à la noble Juana de Mancini le capitaine Diard, de qui vous avez su l'histoire à Bordeaux. H. de Balzac, Le Lys dans la vallée.
[7] cf. par exemple le poème À Juana d’Alfred de Musset, vv1-3 : O ciel ! je vous revois, madame / De tous les amours de mon âme / Vous le plus tendre et le premier ; le personnage de Juana, la belle Espagnole de la nouvelle Le Toast de George Sand, dans Les Soirées littéraires de Paris, recueil publié par madame Amable Tastu, 1832, etc.